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La restauration de l’environnement renforce la résilience des communautés

Date de publication

11 October 2024

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Transcription

Simona Tondelli : Chaque politique que vous souhaitez proposer pour la zone rurale doit être basée sur le lieu et ancrée dans le patrimoine culturel et naturel de cette communauté. Cela dépend donc vraiment des conditions locales spécifiques qui devraient guider les communautés locales à développer leur propre voie vers la régénération rurale.

Cette interview fait partie de Visionary Realms (Royaumes visionnaires, ndlt), une série audio produite par FT Longitude en partenariat avec la Commission Royale pour AlUla.

Meg Wright : Depuis des milliers d’années, l’histoire de l’humanité est enracinée dans les communautés rurales. Elles sont le fondement de notre société, mais font face à un avenir incertain. On estime que d’ici 2050, près de 70 % de la population mondiale vivra dans les villes. Cette urbanisation rapide change le monde qui nous entoure, créant de nouvelles opportunités pour certains et creusant les inégalités pour d’autres.

Bonjour et bienvenue dans Visionary Realms, une série qui explore de nouvelles visions pour le développement communautaire, le tourisme et les paysages culturels. Dans chaque épisode, nous examinons de près une communauté ou une région qui tire les leçons du passé pour bâtir un avenir durable. 

Je suis votre hôte, Meg Wright, et dans cet épisode, nous parcourons l’Europe en examinant comment les communautés rurales collaborent pour assurer la durabilité sociale, économique et environnementale dans un monde de plus en plus urbain. Alors, comment une approche responsable de la gérance culturelle et environnementale peut-elle autonomiser les communautés rurales et soutenir la régénération économique ? 

Simona Tondelli, coordinatrice de projet à RURITAGE, un programme financé par l’UE qui vise à assurer la régénération rurale à travers le patrimoine culturel et naturel, se joint à moi pour en discuter. Simona, merci de vous joindre à moi.
Simona Tondelli : Merci de m’avoir invitée.

Meg Wright : Simona, je pense qu’il est juste de dire que les communautés rurales sont vraiment le pilier de tant de patrimoine culturel et naturel, et en fait, une grande partie de la structure de notre monde moderne provient de ces endroits. Pourriez-vous commencer par partager avec nos auditeurs l’histoire de RURITAGE et son approche unique du développement durable ?

Simona Tondelli : Oui. RURITAGE est un projet financé par la communauté européenne en 2018. Nous avons donc travaillé ensemble pendant quatre ou cinq ans avec de nombreuses communautés locales dans les zones rurales d’Europe et aussi en dehors de l’Europe pour essayer de démontrer comment le patrimoine culturel et naturel peut être un moteur de développement durable et de compétitivité.

L’approche que nous utilisons dans la gestion du paysage est liée à l’idée que les paysages, la nature et la culture sont le résultat d’une combinaison de collaboration entre la société humaine et la nature. Le résultat de ces processus, à la fois naturels et culturels, a façonné ensemble les zones rurales, l’environnement local dans lequel nous vivons. Ainsi, l’approche adoptée par RURITAGE considère la nécessité de maintenir un équilibre entre la protection, la conservation et le réaménagement des valeurs naturelles du paysage rural comme la prémisse de la régénération rurale.

L’idée [derrière] RURITAGE était de responsabiliser les communautés locales, de leur donner la fierté, aussi, de décider par elles - mêmes de l’avenir qu’elles veulent pour leur territoire. Donc, pas pour leur proposer une solution, ou leur donner une solution toute prête, mais pour leur demander de travailler ensemble en impliquant toutes les différentes parties prenantes, des citoyens aux entreprises, à la recherche, aux ONG, aux syndicats. Donc tout le monde, vous pouvez l’imaginer, travaille sur ce territoire pour lui construire ensemble un avenir. C’est vraiment la clé qui fonctionne pour la régénération rurale.

Meg Wright : Nous savons aussi que les zones rurales en Europe et au-delà sont vraiment confrontées à des défis, tels que le vieillissement de la population, la baisse des revenus agricoles, la faible accessibilité physique et numérique, pour n’en nommer que quelques-uns. Mais ils sont également extrêmement riches en patrimoine culturel et naturel, qu’il s’agisse d’éléments tangibles, comme les monuments et l’architecture, ou d’éléments plus intangibles comme la langue, les connaissances locales et les traditions. Alors Simona, qu’est-ce que cela signifie d’inspirer la régénération à travers le patrimoine ?

Simona Tondelli : La façon dont nous avons abordé la question de la régénération rurale était simplement de garder une approche holistique. Vous ne pouvez donc pas vraiment séparer le patrimoine culturel et naturel, le patrimoine matériel et immatériel, car ils construisent tous la même vision et les mêmes valeurs pour la communauté. Ainsi, par exemple, lorsque nous parlons de pèlerinage, nous parlons de redécouvrir le patrimoine culturel et naturel local le long des itinéraires de randonnée, des itinéraires de pèlerinage. Cela représente de nombreuses opportunités pour les zones moins explorées d’être reconnues et de stimuler l’économie locale.

Un autre exemple de nos domaines d’innovation systémique est la production alimentaire durable et la gastronomie locale. Elles incarnent les pratiques agricoles, le paysage rural, l’histoire locale, les traditions et symbolisent réellement le patrimoine culturel d’un territoire. La nourriture sert de lien fort entre la nature et la société humaine, réunissant la terre, le patrimoine et les gens.

Associer la culture, la nature et l’économie en reconnaissant le fait que si vous travaillez dans un bon environnement, riche d’un patrimoine naturel et culturel, l’économie peut également en bénéficier. Et je pense que c’est très important parce que nous avons pu montrer qu’il n’y a pas de contraste, mais si vous conservez une unité entre toutes ces choses, vous pouvez tirer des avantages dans tous les différents secteurs.

Meg Wright : « Résilience » est le mot qui me vient immédiatement à l’esprit, il s’agit donc de s’assurer qu’ils sont équipés des outils et des compétences nécessaires pour pouvoir résister à tout type de volatilité que nous avons beaucoup vu récemment bien sûr. Pourriez-vous nous parler un peu du rôle de la résilience dans certaines de ces communautés rurales et des projets patrimoniaux entrepris par RURITAGE ?

Simona Tondelli : En ce qui concerne la résilience, nous avons commencé à aborder les risques naturels comme première étape de notre méthodologie. Nous avons donc essayé de comprendre comment les communautés rurales pouvaient devenir plus fortes et s’adapter au changement climatique et aux risques naturels. Mais ensuite le Covid est apparu, nous avons donc dû modifier un peu notre concept de résilience pour inclure également la capacité à s’adapter et à se régénérer après la crise économique et sociale. L’expérience a été très positive même s’il n’a pas été facile au début de travailler pendant le confinement en tant que projet et en tant que communautés rurales. Mais nous avons beaucoup appris, notamment que les ressources qui se trouvent dans les zones rurales peuvent vraiment être positives et peuvent vraiment établir un équilibre entre les zones urbaines et rurales. Si vous vous souvenez pendant Covid, on parlait beaucoup de vivre à la campagne, à la frontière, dans les villages.

Les zones rurales sont vraiment riches en nature, en espaces ouverts. Ils offrent la possibilité de rester à l’extérieur et de rencontrer des gens sans trop de contraintes. Et l’environnement est agréable, riche, il peut améliorer le bien-être des gens. Mais d’un autre côté, ce que nous avons appris, c’est que ce n’est pas vrai partout.

Il faut donc construire l’accessibilité, l’accessibilité physique et numérique. Vous devez fournir des services parce que les gens ont besoin de services allant des écoles aux soins de santé en passant par le cinéma, par exemple, ou les théâtres, les événements. C’est donc vraiment quelque chose que vous devez planifier et gérer, également pour éviter les problèmes de gentrification qui pourraient survenir et changer les zones rurales et menacer le patrimoine culturel et naturel.

Meg Wright : C’est un très bon point. Vous avez également mentionné la migration. Et bien sûr, il y avait cette statistique que j’ai mentionnée dans l’introduction selon laquelle d’ici 2050, 70 % de la population mondiale devrait vivre dans des centres urbains selon le Forum économique mondial. Pourriez-vous me parler un peu de la façon dont vous gérez la préservation du patrimoine dans des communautés culturellement diverses ? Parce que j’imagine que ces schémas de migration continueront d’avoir un impact significatif sur les habitants de ces communautés rurales, soit ceux qui y vivent depuis de nombreuses générations, soit ceux qui sont peut-être nouveaux dans ces communautés et qui arrivent pour la première fois.

Simona Tondelli : Oui. La migration était l’une de nos approches de la régénération rurale car au-delà de ses défis, l’arrivée des migrants peut créer de nouvelles opportunités de croissance, en particulier dans les zones qui souffrent de la population, du vieillissement et de la fermeture des services, contribuant ainsi à maintenir les communautés rurales en vie.

Ainsi, mettre en évidence la contribution positive des migrants au développement des zones rurales peut vraiment être fondamental pour créer une société inclusive. L’un de mes modèles préférés dans RURITAGE est PIAM. PIAM est l’acronyme de Projet d’Intégration et d’Accueil des Immigrés. C’est une organisation à but non lucratif basée dans le nord de l’Italie, près d’Asti. Et je l’aime beaucoup parce que c’est un exemple clair de la façon dont ce défi de gestion des flux importants d’immigration peut entraîner une régénération, en capitalisant sur les ressources sociales et culturelles.

L’ONG a commencé il y a près de 20 ans à accueillir des migrants dans certains bâtiments historiques de la campagne d’Asti, où elle a commencé à impliquer les migrants eux-mêmes dans des activités pratiques telles que la récupération de ces bâtiments.

La rénovation de l’ancienne villa a permis de lancer d’autres activités patrimoniales impliquant directement les migrants. Les céréales anciennes ont été réintroduites, cultivées et distribuées sur le territoire en vendant les produits sur les marchés locaux pour les produits issus de l’agriculture biologique, en établissant des relations avec les agriculteurs locaux. Mais il y avait aussi la récupération de l’ancien vignoble qui est cultivé en collaboration avec les entreprises viticoles locales. De plus, des formations ad hoc ont été conçues pour les réfugiés dans les secteurs de la restauration et de l’artisanat d’art, conduisant au développement d’une marque qui produit des céramiques artisanales et à l’ouverture récente d’un restaurant.

Je pense donc que c’est vraiment un bon exemple pour montrer comment l’engagement civique, la planification partagée entre les différents acteurs peuvent faire de l’arrivée des migrants un moteur de développement pour la communauté locale et créer une croissance locale, des opportunités locales non seulement pour les migrants, mais aussi pour le territoire lui-même.

Meg Wright : C’est un exemple tellement puissant. Merci infiniment pour ce partage. Simona, avant de conclure, je me suis demandé, sur la base de tout ce que vous avez appris dans votre rôle de coordinatrice de projet pour RURITAGE, quels conseils donneriez-vous aux dirigeants des communautés rurales à l’ère de l’urbanisation croissante d’aujourd’hui ?

Simona Tondelli : Je pense que la leçon numéro un est vraiment cette approche basée sur le lieu. Ainsi, chaque politique que vous souhaitez proposer pour les zones rurales doit être basée sur le lieu et ancrée dans le patrimoine culturel et naturel de cette communauté. Il est donc impossible de simplement suggérer des approches qui ont fonctionné à certains endroits car il n’est pas sûr qu’elles fonctionneront ailleurs. Ainsi, vous pouvez apprendre d’autres exemples de ce qui a fonctionné, de ce qui n’a pas fonctionné, des obstacles, des différentes façons de relever les défis, mais il y a ensuite une réponse unique à chaque communauté locale. Je pense donc que c’est vraiment ce que je laisserais aux communautés rurales comme message clé. Donc de s’appuyer sur leur propre patrimoine culturel et naturel pour construire leur propre avenir.

Et puis, ce qu’il faut pour cela, c’est un modèle de gouvernance participative, stimulant la coopération entre les institutions, les communautés, les entreprises, les organisations bénévoles, etc. Et ce qui est très important dans les zones rurales, c’est que cela devrait également dépasser les frontières administratives. Ainsi, les zones rurales, les communautés rurales ne peuvent pas rivaliser si elles y vont seules, elles devraient vraiment construire ces réseaux pour faire face ensemble à certains défis communs et construire ensemble des solutions communes.

Une question très importante que je voudrais mentionner est également l’importance de la fierté et du sentiment d’appartenance de la communauté, qui doit être soulignée. Parce que nous devrions rechercher des relations plus équilibrées entre les zones rurales et urbaines, en mettant davantage l’accent sur les liens ville-campagne, à maintenir au même niveau, sans considérer les zones rurales comme inférieures aux zones urbaines.

Meg Wright : Je ne pourrais pas être plus d’accord. Et quelle remarque puissante pour terminer. Simona, merci infiniment de vous être jointe à moi aujourd’hui.

Simona Tondelli : Je vous remercie. Et merci de me laisser partager ce projet cher à mon coeur.